Il veut aujourd’hui en faire des confettis de cette bicoque pourrie. Alors ils l’ont emmenée, son père et lui, dans un immense terrain vague. Un dépotoir municipal en dehors de la ville où tout se jette et tout se récupère. L’odeur qu’on y respire est difficilement supportable. Ce sont les déchets comestibles, ou du moins qui l’étaient à une date bien antérieure, qui exhalent cette puanteur. Mais il y a aussi des objets en tout genre allant du matelas maculé de souillures à la cafetière irrémédiablement entartrée.
Et là, ils lui ont cogné dessus à grands coups de hache et de maillet jusqu’à concasser la caravane au point de déclencher une pluie de copeaux. Ils tapent vraiment très fort peut-être bien pour broyer par la même occasion les souvenirs qu’elle renfermait.
Pourtant, au début de son existence, la roulotte était bien belle et avait une fonction qui collait à celle qu’on se fait d’une caravane. La famille partait faire du camping à Biscarrosse et même suivait poussivement le circuit du Tour de France sur le col du Tourmalet ou bien sur la montée de Luz-Ardiden.
- …Comme tu peux le constater, je m’habille comme une merde. Un blue jean, vague imitation Levi’s acheté sur le grand marché du jeudi, pull, bottines, et surtout pas de couleurs. Ce n’est pas par souci d’économie que je me fringue sur les marchés, mais parce-que rien ne me va. Un mètre quatre vingt dix pour soixante cinq kilos, je ne suis pas vraiment un chippendale… Je ressemble plutôt à un sucre d’orge que l’on aurait commencé à sucer depuis déjà un bon moment. Mon petit-déjeuner se compose d’un autre verre de rouge...
- A 8h00, t’es déjà moitié ivre ma parole !
- Un verre de rouge, deux gros cornichons, et une tranche très fine de pain de seigle accompagnée de rillettes de canard.
- Et je suppose que tu manges toujours pareil.
- Tu supposes bien. Cet en-cas se compose invariablement des mêmes ingrédients. Et une fois sans poils, étanché, fagoté et rassasié, c’est-à-dire à 9h00 pile, je me retrouve à traîner dans le quartier. Enfin voilà, tu sais tout de moi… je ne fais rien d’autre, à part déjeuner ici un jour sur deux. Et toi tes matins ?
- Tu vas me détester.
- Vas-y quand même.
- Et bien, je me lève à neuf heures moins le quart pour commencer à neuf heures. Je me douche et je me casse. Le reste, je le fais au bureau. Café, maquillage. Je déjeune très peu, c’est pour ça que je suis toujours affamée le midi.
- Et c’est moi que tu traites de psychopathe !
Une saveur de boeuf mironton